Inaptitude physique à l’emploi : un point jurisprudence s’impose

Le salarié bénéficie d’un examen de reprise du travail par le médecin du travail après :

  • Un congé de maternité,
  • Une absence pour cause de maladie professionnelle,
  • Une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail,
  • Une absence d’au moins soixante jours pour cause de maladie ou d’accident non professionnel.

Dès que l’employeur a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l’examen de reprise au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise (C trav art R 4624-31).

Dès lors, le médecin du travail dispose de tout un panel de possibilités : il peut déclarer le salarié totalement apte à la reprise du travail, le déclarer inapte ou encore le déclarer inapte partiellement.

Chacune de ces situations entraîne des conséquences juridiques différentes…

Quelle entreprise n’a jamais été confrontée à un problème d’inaptitude au travail ?

L’avis émis par le médecin du travail peut être contesté par l’employeur ou le salarié devant le conseil de prud’hommes statuant selon la procédure accélérée au fond dans un délai de quinze jours à compter de sa notification (C trav art R 4624-45). Passé ce délai de quinze jours, la contestation est irrecevable.

La Cour de cassation rappelle dans un arrêt du 4 décembre 2024 que, lorsque l’avis est remis en main propre au salarié, il doit être fait contre émargement ou récépissé pour constituer la notification faisant courir le délai précité.

Ainsi, si le formalisme n’a pas été respecté vis-à-vis du salarié, celui-ci est fondé à contester l’avis d’inaptitude sans qu’aucun délai ne lui soit opposable.

Contestation de l’avis d’inaptitude

En cas d’inaptitude au travail déclaré par le médecin du travail, l’employeur est tenu de rechercher un reclassement pour le salarié en fonction des restrictions imposées par le service de santé au travail. La loi prévoit toutefois une dispense de l’obligation de reclassement du salarié inapte lorsque l’avis porte la mention : « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » (C trav art L 1226-2-1).

Dans un passé proche, les tribunaux s’étaient montrés particulièrement sévères vis-à-vis des employeurs. Ils avaient en effet considéré qu’il n’y avait pas dispense de recherche de reclassement si la mention portait sur tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise (on peut en effet alors imaginer une recherche au niveau du groupe : Cass soc., 13 septembre 2023) ou si la mention indiquait que l’état de santé du salarié faisait obstacle sur le site à tout reclassement dans un emploi (Cass soc.13 décembre 2023).

En d’autres termes l’employeur devait vérifier que l’avis d’inaptitude reprenait à la lettre les dispositions prévues par le code du travail.

Mention de l’avis d’inaptitude

Ces décisions semblent être de l’histoire ancienne. En effet la Cour de cassation vient de considérer que le médecin du travail, dans son avis d’inaptitude, n’était pas contraint de reprendre mot pour mot la formulation des cas de dispense de recherches de reclassement prévus par l’article L 1226-2-1 du Code du travail dès lors que celle qu’il a retenu a un sens similaire.

En l’espèce, un salarié avait été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. L’avis du médecin du travail précisait que « l’état de santé du salarié ne permet pas de faire des propositions de reclassement au sein de l’entreprise filiale et holding compris et le rend inapte à tout poste ». La Cour de cassation a considéré que la formule utilisée par le médecin du travail était équivalente à la mention de l’article L.1226-2-1 du Code du travail et que donc l’employeur n’était pas tenu de rechercher un poste de reclassement.

Ainsi, à quelques mois d’intervalle, la Cour de cassation adopte une position différente plus favorable aux employeurs !

Obligation de reprise du paiement des salaires

Afin de hâter une prise de position de l’employeur suite à l’avis du médecin du travail, l’article L 1226-4 du code du travail prévoit que si le salarié inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou licencié à l’issue du délai d’un mois, l’employeur doit lui verser dès l’expiration de ce délai le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Les termes sont clairs. Mais la jurisprudence nous rappelle également que le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat si les faits sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles. Tel était le cas d’un salarié qui par la carence de l’employeur à son licenciement, avait été privé de cinq mois de salaire outre les congés payés correspondants (Cass soc. 18 décembre 2024).

Nouvel arrêt de travail après l’avis d’inaptitude

Lorsqu’un salarié remet à son employeur un nouvel arrêt de travail après un constat d’inaptitude non-professionnel, comment l’intéressé doit-il être indemnisé ? En d’autres termes, peut-il bénéficier d’un maintien de salaire par l’employeur ?

Dans une affaire jugée par la Cour de cassation le 29 janvier 2025, un salarié avait été déclaré inapte et dès le lendemain, un nouvel arrêt de travail lui avait été prescrit. Il avait ensuite été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Il réclamait le maintien de salaire conventionnel pour la période de son nouvel arrêt. La Cour d’appel avait estimé que l’inaptitude plaçait le salarié sous un régime spécifique, empêchant l’application du maintien de salaire conventionnel.

La Cour de cassation valide cette position : dès la déclaration d’inaptitude, un nouvel arrêt de travail ne suspend plus le contrat de travail et l’employeur n’a pas à verser le maintien de salaire conventionnel au titre de cet arrêt.

Montant de l’indemnité de licenciement dans le cadre de l’inaptitude professionnelle

Lorsque le licenciement pour inaptitude professionnelle est justifié par l’impossibilité de reclassement ou le refus par le salarié de l’emploi proposé, le montant de l’indemnité de licenciement est, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, égal au double de l’indemnité légale de licenciement.

Il convient donc que l’employeur effectue une comparaison entre le double de l’indemnité légale de licenciement et l’indemnité prévue par la convention collective.

Qui plus est, le salarié pourra prétendre à une indemnité compensatrice de préavis même s’il n’effectue pas de travail au sein de l’entreprise (C trav art L 1226-14).

Rappelons toutefois que l’indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis, due en cas de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle, n’a pas la nature d’une indemnité de préavis et n’ouvre pas droit à congés payés (Cass soc. 2 octobre 2024 et Cass soc. 16 octobre 2024).

La reconnaissance d’un accident du travail par la CPAM s’impose au juge prud’homal

Pour la Cour de cassation, la reconnaissance d’un accident du travail par la CPAM s’impose au juge prud’homal. Ce dernier ne peut donc pas remettre en cause cette reconnaissance. Son rôle est dès lors de vérifier l’existence d’un lien de causalité entre l’accident et l’inaptitude, et de s’assurer que l’employeur avait connaissance de l’origine professionnelle de l’inaptitude au moment du licenciement (Cass soc, 18 septembre 2024). En d’autres termes, le juge prud’homal ne peut pas remettre en cause l’existence de l’AT-MP ni demander au salarié de prouver à nouveau son caractère professionnel.

Cette situation n’est pas sans conséquences pour l’employeur : si l’inaptitude est d’origine professionnelle, les enjeux financiers augmentent (indemnité spéciale de licenciement, indemnité compensatrice de préavis même si le préavis n’est pas effectué).

Ainsi il convient d’être vigilant : la reconnaissance d’un AT-MP par la CPAM n’est pas qu’une simple formalité administrative. Elle engage directement le cadre juridique et les obligations des employeurs en cas de litige sur l’inaptitude.

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